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L'Uniterrsaliste Andromede60

La croissance ? Naufrage en vue ?

25 Septembre 2012 , Rédigé par Andromede Publié dans #Economie Actuelle

 

Banques faillites

 

La croissance, toujours la croissance. Par-delà les dossiers actuels européens (avancées avec la BCE et la cour constitutionnelle de Karlsruhe), internationaux (élection américaine) ou encore purement nationaux (taxe à 75%, hausse du prix de l'essence, hausse des impôts, ...), la préoccupation de la croissance est omniprésente.

En Europe, nous avons accumulé une dette colossale depuis le milieu des années 70, gagée sur l'espérance que la crise ne serait que temporaire et que la croissance future nous permettrait de la rembourser facilement. Quarante ans après, la crise apparaît durable, plus profonde que jamais et le fardeau de la dette insoutenable. La politique d'austérité menée actuellement vise à nous adapter à ce fardeau en réduisant le train de vie des Etats (et des habitants). Avec le risque de plonger dans la récession, que le fardeau soit toujours aussi lourd mais dans des pays plus pauvres. L'alternative consiste à desserrer la vis, moins se préoccuper de la dette et tenter de retrouver le chemin ... de la croissance. Aux Etats-Unis, par-delà les profondes différences idéologiques entre Obama et Romney, la farouche détermination à refaire de la croissance fait consensus. Enfin, dans notre pays, les prévisions de croissance 2013 dont dévaluées en permanence (0,3% aux dernières nouvelles) et la seule fixation d'une décimale est un enjeu gouvernemental. Par ailleurs, parmi les "alternatifs", le concept de "croissance verte" a fait florès. L'écologie frugale ne fait pas recette alors on brandit la possibilité que non seulement l'écologie n'est pas incompatible avec la croissance mais qu'elle en serait le moteur.

 

Et si la croissance, la "vraie" (3 ou 4% par an) ne revenait plus jamais, ou alors une fois de temps en temps ? Et si nous chassions le dahu au lieu de nous adapter à la nouvelle donne ?

 

 

Le PIB

Pendant les 30 glorieuses, la croissance était de 3 ou 4% par an, ce qui permettait au pouvoir d'achat d'augmenter rapidement et au chômage d'être quasi inexistant. Tout a basculé au milieu des années 70 avec le premier choc pétrolier. Sur les 30 dernières années, la croissance n'a que rarement atteint les 3% annuels, à la fin des années 80 et à la fin des années 90. Et encore, cette seconde poussée, sous le gouvernement Jospin chez nous, a correspondu a une phase de dérégulation financière (sous le gouvernement Clinton aux USA) et à une politique de crédit facile (sous l'impulsion de Greenspan). Notre dernière phase de croissance forte (qui remonte quand même à 13 ans) est donc peut-être en bonne partie due à des choix financiers que nous payons aujourd'hui.

Pour bien comprendre ce qu'est la croissance, il faut comprendre ce qu'est le PIB (dont la croissance est la variation). Celui-ci est une approximation des richesses produites, dont le principe est assez simple mais le calcul relativement compliqué (on peut le calculer de différentes façons, par la production, la consommation ou encore les revenus). Intéressons-nous au versant productif. Le PIB est égal : A la somme des valeurs ajoutées des agents (entreprises, independants, fonction publique).

La valeur ajoutée, pour une entreprise, c'est le chiffre d'affaires auquel on retranche tout ce qui est acheté à l'extérieur (qui sera comptabilisé dans la valeur ajoutée d'autres entreprises si ce n'est pas une importation).

La valeur ajoutée est aussi égale aux salaires plus les amortissements (investissements lissés dans le temps), les charges financières, les taxes et impôts et les bénéfices.

Pour la fonction publique, on ne peut pas calculer la valeur ajoutée, on prend donc le "coût des facteurs" c'est-à-dire le salaire des fonctionnaires et les investissements.

 

PIB.jpg

 

Plus de monde = plus de PIB ?

Qu'est-ce qui va nous permettre d'augmenter le PIB ? Il faut tout d'abord trouver des débouchés. Une partie de la production est destinée au marché national : plus celui-ci sera solvable, plus les débouchés intérieurs pourront être forts (mais concurrencés par les importations). Ensuite, l'autre partie de la production a vocation à être exportée, ce qui permet de créer de la richesse en France en vendant des biens ou services à l'étranger. Une balance commerciale excédentaire permet donc de générer du PIB supplémentaire. Mais tout le monde ne peut avoir une balance excédentaire puisque, au niveau mondial, le solde est nul.

Ensuite, il faut produire. Pour cela, on s'appuie sur la population. Plus celle-ci est importante, plus on peut produire de richesse. Mais c'est un trompe-l'oeil. En effet, cette richesse nouvelle devra être répartie entre plus de personnes. La gâteau sera plus grand mais avec plus de parts ! Ainsi, la population française augmente de 0,5% par an (soit 300.000 personnes), majoritairement par le solde naturel, minoritairement par l'immigration. Si le PIB croît de 0,5% par an, l'effet est nul puisque la richesse nouvelle devra être attribuée aux nouveau arrivants (un nouveau-né par exemple qui va consommer de la richesse). Et encore, la France n'est pas si mal placée grâce à sa démographie. Un pays comme l'Allemagne voit sa population active être bien moins dynamique que sa population globale, à cause de l'effet de vieillissement. Si cela peut être positif sur le chômage à court terme, cela veut dire aussi qu'il y a moins d'épaules pour créer une richesse qui va profiter à autant de monde.

L'autre moyen pour augmenter notre production "potentielle", et donc notre richesse, serait de faire travailler les chômeurs ou encore les femmes au foyer. Le problème, c'est que la croissance faible crée justement du chômage. Chômage qui fait baisser notre force productive qui pourrait nous permettre d'aller chercher de la croissance. Le chômage peut être identifié comme venant d'une demande trop faible (une part trop faible du PIB est redistribuée aux ménages pour consommer), d'une concurrence trop forte des importations ou encore par le fait que certains chômeurs sont sous le seuil de productivité qui permettrait de les rendre employables. Enfin, sur l'accroissement de cette variable "population" comme booster du PIB, certains n'hésitent pas à préconiser le recours à une immigration massive, notamment pour faire face au vieillissement. Outre le côté apprenti-sorcier socio-culturel, cette approche semble cynique. Comme je l'ai dit, créer plus de PIB pour le répartir entre plus de personnes ne sert à rien. Si les immigrés peuvent être intéressants pour certains, c'est qu'ils ont l'heur de venir dans notre pays après 20 ans (leur éducation ne coûte rien), qu'ils seront peut-être plus enclins que nous à effectuer des tâches ingrates (s'occuper des nombreux vieux) et qu'ils auront peut-être la gentillesse de repartir au moment de la retraite. Bref, s'ils nous apportent de la richesse et ne coûtent pas trop, ils seront les bienvenus. Tout un programme.

 

Travailler plus, mieux, différemment ?

Pour augmenter la production, on peut aussi augmenter le temps de travail. Mais on se heurte à nouveau au problème du chômage. Augmenter le temps de travail, comme l'a encouragé Nicolas Sarkozy avec la défiscalisation des heures sups, c'est augmenter mécaniquement le chômage. En situation de sous-emploi, les travailleurs les plus productifs ou en emploi peuvent allonger les heures de travail au détriment des chômeurs. Dans l'autre sens, le passage des 35h ne semble pas avoir nui à la croissance du pays (ou à la marge) mais plutôt au pouvoir d'achat. Il n'a pas non plus vraiment créé de travail. Une étude de la DARES donne 300.000 emplois créés. Donc 10% de travail en moins (39h -> 35h) = 1% de salariés actifs occupés en plus = 10% de chômeurs en moins. En réduisant encore 9 fois le temps de travail de 10%, on devrait tangenter avec le plein emploi... et la misère.

 

Passons aux verts. Eux voient l'écologie comme un nouveau paradigme permettant de retrouver la croissance via une politique verte. Notons que Jean-Luc Mélenchon, qui se nomme désormais "éco-socialiste", prend ses distances avec ce concept. L'idée des écolos serait que la construction d'une infrastructure verte (éoliennes, centrales photovoltaïques, production d'énergie décentralisée avec une gestion en smartgrid, rénovation des bâtiments existants aux nouvelles normes) serait créatrice de croissance (donc de richesse) et d'emplois. Faisons déjà une observation: la mesure du PIB ne prend pas en compte l'aspect patrimonial mais celui de la valeur ajoutée. Ainsi, la reconstruction d'une zone détruite par un tremblement de terre générera du PIB pour reconstruire à l'identique, et pourtant le patrimoine sera toujours le même. Donc raser l'existant pour le remplacer permettrait effectivement de générer du PIB ... mais pas forcément de la richesse pour le pays. Le PIB ne s'occupe que du flux, pas du patrimoine. Donc oui, si l'on remplace une centrale nucléaire par 500 éoliennes (en démantelant la première), on crée de la richesse au sens du PIB au moment du replacement mais pas forcément un patrimoine permettant de générer plus de richesse ensuite (la production électrique sera égale). Mais il y a bien création de richesse (au sens du PIB) et d'emploi dans la phase temporaire. Idem pour la rénovation thermique des bâtiments. La phase de transition génère de la richesse et de l'emploi (BTP) mais a plutôt tendance à en détruire ensuite (moins de consommation électrique). Par ailleurs, comment cela sera-t-il financé ? Si la manne vient de l'Etat c'est de l'argent qui ne sera pas affecté ailleurs (en réduisant par exemple les programmes TGV) ou qui sera ponctionné sur les ménages sous forme de taxes (qui viendront réduire la consommation et donc la richesse par ailleurs). Je crains donc que la "croissance verte" ne soit un effet de substitution plus qu'un effet de création.

 

En réalité, la croissance est depuis longtemps étroitement lié à la productivité. Ce qui compte, c'est que chaque individu produise un peu plus chaque année. Or, la crise pétrolière du milieu des années 70 a masqué le début d'une crise plus profonde : celle de la stagnation de la productivité.

J'avais analysé les cause de ce phénomène ici. J'y expliquais que pour bonne partie, cette stagnation s'expliquait par la tertiarisation de la société. Nous avons décuplé la productivité de l'agriculture grâce aux intrants mais nous avons touché une limite. Nous avons follement augmenté la productivité industrielle mais celle-ci ne représente que 14% du PIB. Mais dans les services, comment augmenter la productivité d'un avocat, d'un prof (qui ne participe pas directement au PIB), d'un journaliste, d'une aide à domicile, d'une assistante sociale ? Or, si nous produisons individuellement chaque année la même quantité de richesse, il n'y a pas de raison que le PIB croisse ou encore que le pouvoir d'achat augmente. Tous les pays industrialisés ont connu le même phénomène et l'ont masqué soit via les importations et les exportations (acheter des T-Shirts à de la main d'oeuvre à bas coût, revendre de la high-tech) soit via l'endettement et d'autres acrobaties financières. On arrive à la limite de ces pis-allers (crise financière, concurrence de la Chine et d'autres pays sur des produits à valeur ajoutée, ...). Evidemment, on peut rêver de nouveaux outils qui permettront de regénérer de la croissance. Ou encore d'une nouvelle révolution industrielle (comme la prédit Jeremy Rifkin au croisement des réseaux décentralisés d'énergie et des technologies de l'information et de la communication).

 

Mais il y a bien un moment où il faudra regarder les choses en face et reconfigurer la société de façon à pouvoir supporter une croissance de 1% durablement sans que cela soit un drame. En continuant de s'attaquer au chômage mais sans passer par le prisme de la croissance. En travaillant sur les inégalités, aussi (dont Joseph Stiglitz pense par ailleurs qu'elles ont un vrai coût pour l'économie en terme de productivité). Mais le plus dur changement sera peut-être dans les têtes : accepter une stagnation relative (de la croissance du pouvoir d'achat notamment) n'est pas dans l'ADN de l'Humanité. Mais ce serait peut-être sa plus belle preuve de sagesse. John Stuart Mill, au XIXème, pensait que la croissance était vouée à s'éteindre et que nous atteindrions un état "stationnaire" où nous pourrions alors nous consacrer à l'"art de vivre". C'était bien optimiste ...

Source : lenouvelobs.com    

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